Le coaching a fait son apparition dans l'entreprise il y a presque dix
ans. Avec succès, puisque les « prescriptions » pour dirigeants et
managers explosent. Mais, si les directions des ressources humaines
n'hésitent plus à employer cet outil de management qui a fait ses preuves,
l'utiliser à bon escient est délicat, comme le montre l'exemple d'EADS
(voir page suivante). Attention de ne pas ériger le coaching en solution
miracle à tous les maux de l'entreprise.
Il cherchait un moyen de sortir de l'impasse. Cofondateur d'une société,
Alexis Delb, actuel PDG de Locatel Europe, une entreprise de technologies
multimédia, se sent à l'étroit dans ses fonctions. La codirection d'une
entreprise s'avère difficile : problèmes d'ego, crise du leadership... Le
jeune dirigeant a envie de partir pour d'autres horizons mais sans savoir
exactement vers quoi se diriger, ni vers qui se tourner. « Prends un
coach », lui souffle alors un ami.
De plus en plus de dirigeants confrontés à des situations de blocage
similaires ont recours à cette formule qui s'est presque banalisée en dix
ans, surtout dans les grands groupes. Le coaching est bel et bien entré
dans les moeurs des entreprises. Mais qu'apporte-t-il réellement ?
Avec quelques années de recul, Alexis Delb considère que ses huit mois de
coaching l'ont surtout aidé à prendre sa décision : quitter l'entreprise.
Mais aussi à mieux se connaître professionnellement. « Cela m'a permis
d'avoir une meilleure compréhension de la manière dont je fonctionnais, ma
façon, parfois étonnante, de prendre des décisions, de fuir les conflits.
» Grâce à la méthode dite du cerveau gauche et du cerveau droit, il
pense avoir identifié ses « zones d'effort » et ces « zones de
confort », en clair, là où il se sent le plus à l'aise et les
situations dans lesquelles il peine. « Je suis quelqu'un d'intuitif,
j'ai donc appris à m'entourer de personnes qui ont un grand sens de
l'organisation, pour compenser. »
Ni thérapie, puisqu'il ne s'agit pas de remonter aux sources d'un blocage
comme le fait la psychanalyse par exemple, ni conseil, puisque le coach
n'a pas de solutions a priori, ni formation, car l'enjeu n'est pas le
développement de connaissances techniques, le coaching de cadres
dirigeants se définit comme un accompagnement personnalisé, et sur une
période courte, pour améliorer la performance professionnelle... Problèmes
pour faire fonctionner son équipe, difficultés comportementales dans son
leadership, doute sur la stratégie à suivre... Autant de situations où le
coaching est de plus en plus systématiquement prescrit.
Identifier les axes d'amélioration
Louis Perrin, directeur marketing chez Packard Bell, s'est vu, lui,
prescrire du coaching en vue d'une prochaine, mais non immédiate,
évolution vers de plus grandes responsabilités. Un investissement en forme
de pari sur ce haut potentiel. Pour identifier les axes d'amélioration,
son coach a commencé par envoyer un questionnaire anonyme à ses supérieurs
et collaborateurs pour qu'ils définissent son type de management. Il en
ressort que, face à des équipes très hétérogènes, composées à la fois de
designers créatifs, d'ingénieurs, son management est monolithique et
essentiellement directif. Avec son coach, Pascal de Longeville (cabinet
Eos), ils définissent un plan d'action pragmatique sur six mois. Conduite
de réunion, gestion de l'emploi du temps des différentes équipes du
service, chaque séance se veut ancrée dans la réalité quotidienne du
dirigeant. « Contrairement à une formation classique au management, où
l'on en reste à un niveau très théorique, le coaching s'est avéré à la
fois très concret et efficace », assure Louis Perrin.
Un développement sur mesure
Soutien personnalisé où le coaché trouve lui-même la solution à ses
interrogations... telle est la principale raison du succès du coaching aux
yeux de ses promoteurs. « C'est un développement sur mesure, in situ,
lié à des problèmes rencontrés sur l'instant dans l'entreprise, en cela il
est irremplaçable », affirme Nicolas Schilfarth, qui a mis en place il
y a quelques années, en tant que directeur des organisations et du
développement, un processus de référencement des coachs chez Danone. Pour
Daniel Jouve, chasseur de têtes et pionnier dans le coaching de
dirigeants, « le coaching est un moment en dehors de la hiérarchie, où
ces hommes qui ont d'importantes responsabilités peuvent, ce qui n'est pas
toujours facile, exprimer des doutes sur leurs compétences. »
Solution miracle ? A voir l'explosion récente du marché (voir ci-dessus),
certains pourraient être tentés de le croire. « Il y a certainement un
effet de mode, une inflation qui risque d'aboutir à la dévalorisation du
coaching », prévient ainsi Vincent Lenhardt, président du cabinet
Transformance. D'ailleurs, certains s'interrogent sur les risques de
dérive de ce « tout coaching ». Nombre de managers ressortent
dubitatifs de l'expérience, comme ce cadre d'un grand groupe de
l'agroalimentaire qui avoue n'avoir pas très bien saisi l'intérêt des jeux
de rôles proposés par son coach, jugés « infantilisants et vains ».
Elena Fourès, coach elle-même, auteur du « Petit Traité des abus
ordinaires du coaching » (1), se montre encore plus sceptique et
rappelle que, dans ce marché encore immature, au mieux un mauvais coaching
ne sert strictement à rien, au pire il a une influence néfaste :
déstabilisation psychologique, questionnaires en 360° qui virent au jeu de
massacre, manipulation, baisse des résultats. De quoi inciter à la
réflexion. Nicolas Schilfarth, ancien responsable RH chez Danone, explique
que le processus de sélection de coachs habilités par l'entreprise
visaient à se prémunir contre les offres les plus farfelues voire « les
risques d'intrusion de sectes ».
Offre pléthorique
Les professionnels l'admettent d'ailleurs. Le coaching souffre encore
d'erreurs de jeunesse. D'où l'importance pour les entreprises de mieux
s'armer face à une offre aussi pléthorique qu'hétérogène. « Depuis
l'apparition du coaching il y a une dizaine d'années, on s'aperçoit que le
niveau d'exigence est plus important. Les DRH font un peu plus attention à
qui ils ont affaire. Plus personne ne prescrit à l'aveugle », affirme
Charlotte Duda, DRH de Stream International, entreprise de services de
technologie et présidente de l'ANDCP, association de DRH.
En premier lieu, et alors que n'importe qui peut s'improviser coach,
l'attention se porte sur la sélection de vrais professionnels. Les
entreprises qui utilisent le coaching depuis longtemps, et ont des liens
réguliers avec les cabinets de conseil, ont des procédures de type appels
d'offres. C'est le cas d'Areva, qui a élaboré un guide du coaching pour
aider les prescripteurs à choisir de vrais professionnels. Les principaux
critères ? « Une expérience d'au moins dix ans en entreprise ou dans le
conseil, une formation reconnue au coaching, être membres d'une
association de coachs, être supervisé régulièrement par ses pairs...
», indique un responsable RH, qui souligne que la liste n'est évidemment
pas exhaustive et doit être complétée par les qualités de « savoir-être
» du coach, comme « sa capacité à écouter, à être dans l'empathie
». Dans les entreprises de taille plus modeste, qui n'ont pas
forcément les moyens ou le temps, on privilégie plutôt le
bouche-à-oreille. « On travaille énormément par réseau avec des
cabinets reconnus qui ont des méthodes acceptables », explique Daniel
Klumb, DRH chez Socomec, groupe industriel spécialisé dans la production
et la vente d'appareils électriques basse tension (1.100 salariés en
France), qui se dit en particulier attentif à l'éthique du coach, à son
respect des règles de confidentialité. « Un coach qui a accompagné une
équipe de direction, ne peut ensuite prétendre coacher des n-2 ou n-3.
»
Après des années de prescription à tout-va, les entreprises commencent
donc à mieux évaluer ce qu'elles peuvent, ou non, attendre du coaching. «
Elles sont plus spécifiques dans leurs demandes : prise de poste, gestion
de conflits, problème d'autorité. Elles ciblent mieux qu'il y a quelques
années », remarque Joël Brugalières, président de la Société française
de coaching.
Devant les coûts du coaching - environ 10.000 euros en moyenne pour une
douzaine de séances -, les prescripteurs se montrent aussi plus soucieux
de mesurer le retour sur investissement. Un coaching réussi doit répondre
à des objectifs précis, rappellent les professionnels. « Le but doit
être précisé dès le départ, on ne fait pas du coaching au fil de l'eau.
Par exemple, permettre à une personne de mener un projet à bien. La
réussite dans ce cas est mesurable », affirme Xavier Lacoste,
président du Syntec conseil en évolution professionnelle, organisation
regroupant différents cabinets de coaching. La plupart du temps, ces
objectifs seront définis lors d'entretiens tripartites entre le futur
coaché, le coach et le prescripteur.
Pour Marie Dubanton, coach chez Altedia, les résultats sont facilement
observables. « Combien de fois dans les quinze derniers jours avez-vous
pris l'initiative d'aller vers telle personne avec qui vous ne vous sentez
pas en phase ? C'est du training quotidien sur des situations très
concrètes. »
Enfin, de plus en plus de prescripteurs, la plupart du temps les DRH mais
aussi les dirigeants, n'hésitent plus à aller mettre le nez dans les
cuisines du coaching. Voire de s'y former eux-mêmes. « Il est
nécessaire pour eux d'acquérir un certain niveau de connaissance de ce
métier encore émergent », reconnaît Vincent Lenhardt. « Beaucoup de
DRH vont se former dans des écoles de coaching et savent donc de mieux en
mieux de quoi on parle », renchérit Joël Brugalières. Pour Thierry
Chavel, c'est bien simple, « la maturité des clients est même plus
forte que celle de la profession ». Cela paraît surtout vrai pour les
grands groupes, qui ont déjà derrière eux quelques années de pratique, et
de déboires, dans le coaching. |